L’intérêt pour le Shivaïsme du Cachemire n’a cessé de croître en Occident et dans le monde depuis un demi-siècle environ. La profondeur et l’originalité de son regard repose sur la place qu’il accorde à la Conscience perçue comme pure Vibration, Lumière-énergie, Espace infini. C’est Lilian Silburn, alors chercheur au CNRS, qui, la première en Occident, en perçut la résonance fondamentale : aux côtés de l’indianiste Louis Renou, elle “redécouvrit” ce vaste mouvement intégrant à la fois philosophie, mystique et rituel, envisagés dans une ampleur rarement atteinte. Dés 1949, après avoir soutenu sa thèse d’état, Instant et Cause, elle entreprit un voyage au Cachemire où elle fera désormais de nombreux séjours. C’est auprès de Lakshman Joo, l’un des ultimes et éminents dépositaires de cette tradition, que Lilian Silburn vint recueillir la connaissance des grands textes et des notions primordiales du Shivaïsme du Cachemire non dualiste. Fort de son érudition et de son expérience, le Brahmacārin avait su en effet faire revivre des aspects fondamentaux de cet univers prodigieux, alors que ces courants étaient, durant des siècles probablement, tombés dans l’oubli ou du moins demeurés souterrains.
Au printemps 1978, jeune étudiante en sanskrit, je fis une découverte inattendue qui s’avéra décisive à bien des égards. Je venais d’emprunter à la Bibliothèque universitaire d’Aix-en-Provence le Vijñāna Bhairava Tantra, traduit et commenté par Lilian Silburn. Dés les premières pages, je fus captivée par cette approche de la vie et de l’univers. Ce texte du début du premier millénaire, originaire du Cachemire médiéval, éveilla en moi un vif intérêt et me sembla contenir un enseignement d’une portée incomparable. Bien que fort mystérieux, son sens me toucha en profondeur grâce à la qualité de la traduction et des commentaires de Lilian Silburn.