Le yoga de Thoreau est un voyage intérieur vers la connaissance, l’émerveillement, l’amour des « êtres de la nature ». Il est aussi un yoga de l’action par la pratique quotidienne (cultiver, cuisiner, marcher, nager, travailler le bois…) ainsi que par son engagement dans la vie socio-politique pour des causes essentielles (contre l’esclavage, contre la guerre, pour la défense des Indiens). S’il se met à l’écart, dans les bois de Walden, de 1845 à 1847, il ne cesse jamais de prendre part aux débats de son temps par ses articles et ses conférences. Il n’est ni un tiède, ni un rêveur timoré, mais un vîra, « un audacieux », autre nom du yogi, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles. Au fil de ses écrits, Thoreau se révèle également comme un vipra, celui dont l’âme vibre – archétype du yogi. Ce nom qualifiait jadis les poètes inspirés du Veda, (IIe millénaire av. n. è.), qui célébraient les puissances cosmiques de la terre, de l’eau, des arbres, du soleil, de la lune et des étoiles. Thoreau nous fait ainsi découvrir le yoga dans la vie, à la manière des yogis tântrika qui unissent la quête de la libération à l’expérience du monde « en conscience », la connaissance à l’action. Ce yoga inspiré de la Bhagavad Gîtâ et des Lois de Manu se déploie en trois modes : la pratique de la simplicité, l’intuition de l’unité universelle, la catharsis qui permet une sensibilité accrue à la beauté de la nature. Cette triade simplicité-unité-beauté confère au yogi des bois une puissance de métamorphose qui a traversé le temps et l’espace pour toucher Gandhi, Martin Luther King, nous aussi peut-être ?
Editions des Équateurs, Illustrations, Emilie Poggi©